Juste une mise au point
♫(sur l’air de Jackie Quartz)♫
(année 80 forever)
de Miss Cocktail 2013
« Après avoir reçu plusieurs mails, textos enjoués des copains me demandant quel était le nom de l’asso avec laquelle je suis partie, m’expliquant qu’eux aussi allaient faire un chantier l’année prochaine…je me dis que peut-être j’ai trop enjoué le truc. Alors OUI, J’AI ADORE, autant au Togo qu’en Inde, et LOIN DE MOI l’idée d’empêcher les autres de partir, au contraire, c’est une super expérience que je serais ravie de partager avec les coupains… mais… je préfère rappeler ce qu’il en est. »
1 – Tout d’abord un chantier de solidarité n’est pas un voyage organisé :
On se débrouille seul et les endroits proposés sont généralement peu touristiques.
2 – Il faut dire adieu pendant quelque temps à son petit confort :
On débarque dans un pays où il fait 40 degrés, avec 80% d’humidité, on dort généralement très peu et dans des conditions plutôt précaires (parfois juste une natte sur le sol). On abandonne lisseur, maquillage, fringues potables, bains : tu es craspouille toute la journée, tu es toujours habillé avec les mêmes habits moches que tu laves à la main, tu te douches avec un filet d’eau ou un seau d’eau froide que tu auras été puisé toi-même, le papier toilette n’existe pas…
Parfois tu te douches au même endroit où les gens font leurs besoins, avec le trou au milieu. Tu vis au quotidien avec les animaux et les insectes. (au Togo les poules venaient me réveiller et les latrines grouillaient de cafards)…
Tu n’as pas toujours l’électricité (à Madagascar, ma copine Rachel n’avait du courant qu’une heure par jour).
Si tu manges généralement suffisamment (oui parce que les assos ne laissent pas leurs bénévoles crever de faim) c’est toujours la même chose (tu as intérêt à aimer le riz) (au moins avant de partir) (car après, tu ne pourras plus en manger pendant des mois.) En Afrique tu peux dire adieu au chocolat, au cheeseburgers, au fromage (attends-toi à rêver de tout ça au bout de deux semaines) (perso j’aurais vendu ma mère pour manger un croque-monsieur).
3 – Tu ne peux pas visiter tout ce que tu souhaiterais.
Il y a toujours des problèmes avec les transports ! Tes envies touristiques risquent donc d’être un peu déçues. Tu as bien les week-ends pour bouger mais par exemple en Inde, les trains ont parfois sept heures de retard !! Au Togo , il fallait négocier pendant quatre heures et attendre ensuite que le taxi-brousse se remplisse pour partir (sachant qu’un taxi-brousse qui a 15 places n’est pas rempli tant que 25 personnes ne sont pas entassées dedans)(et tant pis si t’es entre deux grosses mamas avec une barre de fer qui te rentre dans le dos et un enfant sur les genoux en train de vomir), ensuite il roule à 10 km/heure sur des routes qui ressemblent à nos chemins de champs, avec la pluie qui rentre par le toit et des nids de poules qui ressemblent au trous d’obus à Douaumont.
4 – Tu risques de tomber malade :
C’est une réalité. La fatigue, les moustiques, le manque d’hygiène, le fait de manger avec les mains, les eaux stagnantes pleines d’amibes, le non-respect de la chaîne du froid, l’eau du robinet imbuvable pour un occidental font que tu as quand même des chances de te retrouver avec une bonne tourista, de la fièvre, le palu…
C’est arrivé à des gens partis en même temps que moi. Mieux vaut être en bonne condition physique et d’une nature résistante. Et puis prépare-toi à faire tous les vaccins avant de partir, prendre ton traitement anti-palu tous les soirs, te badigeonner d’anti-moustiques toute la journée, dormir sous une moustiquaire toutes les nuits… ou bien revenir avec les pieds couverts de plaies qui se seront surinfectées et nécrosées comme moi l’année dernière (j’ai encore des cicatrices de toute beauté !)
5 – Le travail proposé est souvent physique :
Chantiers de construction ou avec les enfants, parfois handicapés, orphelins, en situation précaire.
Tu as des horaires à respecter : pas de grasse matinée le matin même si tu es crevé (et dans les pays du tiers-monde on se lève plutôt vers 5h en même temps que le soleil).
Parfois tu choisis un chantier mais à l’arrivée tu fais tout autre chose (cela m’est arrivé les deux années) (genre tu prépares un truc pendant des mois pour rien) Il faut toujours prendre sur soi, être conciliant, s’adapter avec le sourire, garder son sang-froid, parce qu’on t’en demande beaucoup et l’organisation est souvent complètement chaotique, on n’a pas l’habitude de ça en France (si, si, ailleurs c’est pire, je vous assure) Tu manques de matériel, tu es confronté à des manières de travailler totalement inefficaces, tu attends très souvent des heures pour rien (la notion du temps n’est pas la même : comme on dit au Togo : en France vous avez les montres, en Afrique nous on a le temps), on te fait changer d’activité au dernier moment, tu fais des journées à rallonge avec des mises au point sans intérêt, on t’explique pas grand-chose et tu dois pourtant faire ce qu’on te dit, tu écoutes des recommandations que tu juges complètement inutiles…
Toutes ces situations te feraient péter un câble et insulter les gens ici en France. Là-bas, tu respires un grand-coup, ouvres tes chakras et essaie d’en rigoler.
6 – Certaines mœurs peuvent étonner, choquer :
Au Togo par exemple à l’école on frappe sur les petits qui n’arrivent pas à lire. Les enfants handicapés sont abandonnés, les roux sont tués. Le seul portable du village est bizarrement confié à l’aveugle.
En Inde l’avis de la femme n’est pas du tout pris en compte. Tu vois des gens qui vivent sur les trottoirs, se lavent, défèquent dans la rue. Des cadavres d’enfants gisent parfois sur le trottoir, sous un tas de journaux (oui j’ai vu CA, évidemment ça n’apparaît pas sur mes photos)…
La pauvreté est difficile à gérer, selon l’endroit où tu tombes, tu peux faire des insomnies pendant des mois. Il faut s’y préparer, plusieurs mois auparavant, en lisant des livres, en matant des films, des docus.
7 – En tant qu’Occidental, tu dois t’adapter :
Mettre par exemple une écharpe par 40 degrés en Inde, ne pas mettre de short ou de débardeur, ne pas fumer dans la rue ou devant les personnes que cela pourrait choquer… En tant que femme occidentale, tu es perçue comme une fille facile toujours en chaleur, gare aux mains aux fesses, aux avances et autres comportements inappropriés…
8 – Tu es responsable de ton chantier vis-à-vis de l’association avec laquelle tu es partie :
On compte sur toi pour que cela se passe au mieux et pour transmettre une image positive de l’asso. Ensuite ne rêve pas, un chantier réussi ne sera pas un chantier ou tu auras sauvé le monde : tu ne fais pas de l’humanitaire, tu fais du développement : les résultats sont minimes, estime-toi seulement heureux d’avoir au moins apporté quelques sourires aux gens avec lesquels tu as travaillé.
9 – Tu travailles généralement en groupe :
Avec des bénévoles issus d’horizons et d’âge parfois différents du tien : tu organises les activités avec ces personnes, tu manges avec, tu dors avec… Au risque qu’il y ait des tensions, et surtout, tu n’as plus d’intimité pendant un mois !
10 – Partir seul :
Si tu veux vraiment vivre l’aventure au maximum mieux vaut à mon sens partir seul… J’entends sans l’amoureux ou la meilleurs copine. D’une part tu éviteras les gros moments de crise vécus par ceux que je connais qui sont partis à deux et d’autre part tu te retrouveras véritablement face à toi-même et coupé de ton quotidien. (et tu exploseras ton forfait Free pour les petits textos du soir 😉
11 – Un chantier coûte également beaucoup d’argent :
Prévois d’économiser des mois à l’avance. Alors non, on n’est pas payés pour le travail effectué : c’est du bénévolat. Oui, une partie du billet peut être déduite des impôts (c’est ce que l’asso de cette année nous a proposé). Oui, la vie dans les pays du tiers-monde n’est pas chère.
Malgré cela : tu vas devoir acheter pas mal de matos pour ton chantier avant de partir, plus les médicaments et vaccins non-remboursés. Certaines assos te demandent des sommes d’argent exorbitantes pour la mise en place du chantier et les frais de dossier (pour ma part au-delà de 150€ c’est clairement de l’abus).
Tout le reste est à ta charge dans le pays d’accueil : la nourriture, le logement, les transports… Tu dois racheter du matériel pour ton chantier car tu n’auras pas grand-chose sur place. En tant que Blanc « riche », les gens qui t’invitent s’attendent à ce que tu leur offres des petits cadeaux. Quand tu travailles avec des locaux ou que tu te déplaces avec eux, tu dois leur payer à manger, le transport etc… On ne te prévient pas de cela mais c’est comme ça. Le Blanc paye pour tout le monde. Ils ont du mal à comprendre quand tu dis que c’est cher. Effectivement, ce ne sont que des petites sommes, et je suis peut-être nulle en maths, mais petite somme plus petite somme… crois-moi, à la fin du mois, le budget est explosé.
12 – Enfin, il s’agit d’un chantier de solidarité, dans un pays du Sud
Si tu te carres des problématiques de développement, que tu n’aimes pas les enfants, que tu as certains a-prioris sur les populations africaines/indiennes, mieux vaut trouver une autre façon de voyager. Tu n’y es pas obligé mais on te demandera ensuite de continuer à prendre part à l’association, par des dons, des parrainages d’enfant, des activités de solidarité…c’est généralement un engagement sur du long terme.
« Malgré tout cela, l’aventure vaut vraiment le coup d’être tentée !! Tu prendras une belle leçon de vie, tu rencontreras des personnes touchantes, authentiques, drôle et prêtes à tout partager avec toi, tu vivras des moments riches en émotion et découvriras une culture complètement différente de la tienne, tu rentreras enrichi, ému, avec de belles images plein la tête et le cœur. Donc si tout ceci ne t’a pas découragé, je n’aurais qu’un mot à te dire : FONCE !!! »
Miss Cocktail 2013